A Literary Tour de France
10. Lair to the STN, June 15, 1774

Messieurs de la Société typographique

de Neuchatel.                                                                 Blois, le 15 juin 1774                                             

 

Messieurs,

 

            Un silence aussi long que celui que vous avez gardé me persuadait que vous m’aviez entièrement perdu de vue ainsi que mes commissions. Mais l’honneur de la vôtre du 29 mai en réponse à celle que j’eus l’avantage de vous écrire le 18 avril qui m’instruisait de votre envoi du 12 du dernier mois d’avril lève mes soupçons mais ne flatte pas ceux qui attendent inutilement des articles qu’ils ne trouveront pas dans ce dernier envoi qui m’attire des reproches aussi justes que sensibles.

            Votre facture du 12 avril m’annonce l’envoi par adresse de Messieurs Benoit et Joseph Duplain, père et fils de Lyon, et j’ai reçu la lettre du 2 courant de M. J. Schaub de Lyon qui m’avise avoir fait partir le premier ce mois [cette] caisse libri par [l’able] de [lonc] qui la doit rendre en 22 jours à L. 8 du pour cent et L. 38-10- qu’il a déboursés pour voiture et droits dont il vous a remis la note, m’ayant marqué que la voiture et droit de chez vous à Lyon étaient à vos charges n’étant tenu que des droits de Lyon et voitures de cette dite ville. Ici si le voiturier en a fait le remboursement, je le lui paierai ici et me tiendrai compte de ce qui sera à vos charges. Cette caisse étant restée près de deux mois en route de vous à Lyon et l’adresse du commissaire changée est une énigme dont vous avez seul le mot. 

            Lorsque j’eus l’honneur de vous écrire que j’avais occasion de placer un deuxième

exemplaire de l’Encyclopédie d’Yverdon je me souviens à merveille de vous avoir marqué qu’on ne le voulait payer qu’à six mois de l’arrivée. Ce n’était alors qu’une proposition qu’on m’engageait de vous faire, mais dès que vous l’avez acceptée, que j’ai vu les frais exorbitants du premier envoi et que je vous ai marqué de le faire relier avant de l’envoyer, je vous ai écrit (et je ne crois pas l’avoir [omis]) que Messieurs les éditeurs m’accorderaient au moins dix pour cent tant pour commission que [pour] faux frais, revoyez mes letters quant aux frais et risques de le faire passer. C’est à eux d’y pourvoir, ils doivent naturellement être à leur compte. Je veux bien rapporter à vous, Messieurs, et me borner aux cinq pour cent que vous me promettez de bénéfice sur cet article, mais ce retard refroidit si considérablement celui pour qui il est destiné que je le vois chanceler. S’il fut arrivé à temps, j’en aurais placé plusieurs. J’espère malgré tout qu’il ne restera pas longtemps invendu, surtout si on accelère et qu’on rende bien les planches du premier volume auxquelles vous dites qu’on travaille avec activité.

            J’ai toujours affecté de ne vous demander que des articles de vos catalogues, et quand on m’en demandait qui n’y étaient pas, je ne m’en chargeais que conditionnellement quoique vous m’ayez plusieurs fois marqué qu’on trouvait aux environs de chez vous presque tout ce qui paraissait à Paris. Enfin, si vous voulez vous donner la peine de revoir mes différentes demandes énoncées dans mes lettres depuis décembre jusqu’au 18 avril, vous verrez que je n’avance rien que de vrai. Et que depuis ce temps les lettres dont vous m’avez honoré m’apprennaient qu’on était occupé chez vous aux reliures de mes différentes demandes que quand le tout serait rassemblé et relié vous me feriez un seul envoi. Il est étonnant que cinq à six mois ne vous aient pas suffi pour l’opération de l’expédition entière. Il vous est aisé, Messieurs, d’imaginer le désagrément que j’éprouve de ce retard et combien est grand celui de n’en recevoir que la plus médiocre partie. L’oubli que vous faites des œuvres de Jean-Jacques et de quantité d’autres articles [omises] fait des mécontents qui projettaient de tirer de chez vous .Ce délai les déconcerte. Vous connaissez le prix de la jouissance et la peine de ceux qui en sont privés.

Vous n’ignorez pas, Messieurs, que lorsque nous avons lié et que vous m’avez engagé de vous procurer des débouchés, je n’étais pas à portée de le faire en grand, ne pouvant encore rien prendre pour mon compte.  Je n’ai formé des demandes d’articles qu’à mesure qu’on m’en demandait. J’[eusse pu] les étendre, mais il fallait être connu de vous, servir bien ici et y ajouter l’exactitude requise à vous faire passer vos fonds. Je sais que les ballots au-dessous de L. 50 ne passent que par les voitures publiques et coutent plus, mais ce que j’ai demandé chaque fois surpassait ce poids, et quand il n’aurait pas été porté à ce poids, vous auriez pu y joindre quelques un de vos articles d’un débit ordre, je vous en eus tiré parti.

            Sans avoir renoncé au projet de lever une lettre de [marchand libraire] pour l’exécution de laquelle il convient prendre certains arrangements afin de faire cet état avec l’ordre et l’aisance qu’exige tout nouveau établissement. Personne n’en sent mieux que moi les avantages et ceux qu’il pourrait procurer à votre maison, mais il faut un temps qui n’est peut-être pas éloigné. Il n’y a nulle apparence de tenter les voies de travailler sous le nom d’un libraire d’ici. Ils ne sont que deux qui ne voient qu’à regret les préludes que je tente, dont l’exécution ne sera jamais de leur goût. Ils se persuadent que leurs intérêts en souffriraient.

            J’écris cet ordre à Paris à un ami, homme de lettres et connaissant les bons artistes, pour les occuper lui-même de vous découvrir quelques bons graveurs s’il en trouve qui se déterminent à la translation je vous l’écrirai ou les artistes vous écriront eux-mêmes pour traiter avec vous des conditions de leurs arts et s’il n’y réussit pas, j’espère sous deux ou trois mois faire le voyage de Paris . Je suis sûre que mes recherches ne seront pas infructueuses  j’en connais un d’ici logé au Louvre que je consulterai.

            J’ai lu des articles excellents dans votre journal de mai qui ne se [ressent] pas des excès de vos occupations, si M. Voltaire donne l’abrégé de la Vie de Louis 15 tel qu’il est en état de la donner, j’en recevrais avec plaisir quelques exemplaires dans ce qui reste à l’expédier, pourvu qu’il ne soit pas trop cher.

            J’ai l’honneur d’être avec l’attachement le plus grand et l’estime la plus entière.

 

Messieurs                         Votre très humble et très obéissant serviteur

                                    Lair

 

 

 

Date: 
Wed, 06/15/1774