M. de la Société À Neuchâtel

Lyon, le 29 mars 1779

Messieurs,

Nous avons différé jusqu’à ce jour à vous instruire du sort de vos balles 201, 148, 125, 198, et 179, qui ont été saisies par un événement des plus singuliers. L’espérance qu’avons qu’elles nous seraient rendues de jour à autre a fait que nous ne voulions point vous en instruire. Dans la crainte de vous attrister, et que vous ne fassiez quelque démarche contraire au procès verbal de saisie que j’ai fait de concert avec notre syndic.

                  Depuis plus d’un mois, nous attendons une réponse du garde des Sceaux pour nous donner le relâchement de vos balles, lesquelles ont été mentionnées dans le procès verbal comme «bon livre», et point de contrefaçon des éditions du royaume, c’est-à-dire que l’on a point détaillé le nom des ouvrages, et que l’on a mis «livres originaux de Suisse».

                  Soyez tranquilles sur le sort de vos balles et sur nos soins à les faire relâcher. Il n’y aura que le retard qui pourra vous porter préjudice! Ne faîtes aucune démarche, n’en parler à personne. S’il était nécessaire d’employer quelqu’ami, nous vous en instruirions. Mais, de la manière dont nous avons de concert stipulé le procès verbal, on ne peut faire autrement que de nous les rendre.

                  Vous ne sauriez croire, Messieurs, combien cette saisie extraordinaire nous a occasionné de peine et d’embarras. Ce n’a point été, ainsi que nous le mandez, que nos entrepôts ont été découverts. Ces balles étaient hors de danger. Elles faisaient route pour leur destination. Le voiturier, qui les avait chargées et qui était une lieue et demie de la ville, a été arrêté pour neuf balles de mousseline; de là, conduit en ville, et les balles ont été consignées comme ne devant rien, à la Chambre, pour y être vigilées comme d’usage. Nous avons soutenu que ces balles sortaient de Lyon, et qu’il y avait longtemps qu’elles étaient dans des entrepôts.

                  Un pareil événement n’arriverait pas de mille ans.

                  Il est malheureux que, depuis le temps que nous avons ordre de faire partir les balles de Messieurs Letourmy et Manoury, que nous ayons été retenus d’en pouvoir faire expédition, soit par les glaces, ou par les débordements. Comme qu’il en soit, soyez persuadés, Messieurs, qu’il n’y va point de votre faute, et que nous ne donnons rien au hasard. Un tel événement ne pouvait se prévoir.

                  Nous sommes, en attendant de vous donner de bonnes nouvelles, Messieurs, vos affectionnés serviteurs,

     Revol et compagnie