A Literary Tour de France
19. 379 Mossy to the STN, June 29 1778

Marseille le 29 juin 1778

MM. de la Société typographique

            de Neuchatel                                                                       

 

 

 

 

Messieurs,

 

Je reçois aujourd'hui votre chère lettre du 21 du courant, par laquelle je vois que vous avez très mal a propos fait une expedition d'articles dont je n'ai surement plus aucun besoin, et que je vous prie de vouloir bien faire arrêter à Lyon.  Vous ne seriez surement pas fort aise qu'il m'en  mésarrivât; ou c'est ce qui ne manquerait pas d'arriver; car tout le danger n'est pas à Lyon.  Nous avons ici un inspecteur qui est difficile, et un des plus rigides de toute la France; les balles sont épluchées, de sorte que j'ai [re        ] de suspendre toute demande jusqu'à ce que ce premier [fuisait] passé.  J'ai été dans le cas de faire estampiller mes livres contrefaits; je suis même au milieu de cette opération.  J'ai tout le jour l'Inspecteur chez moi; juger si c'est un temps propice.  C'est ici une espèce d'interruption de notre commerce trop forte, pour qu'elle puisse durer longtemps.  Je me flate donc que vous cesserez tout envoi jusqu'à ce que je sache ce à quoi tout ceci se reduira.

            Je vous prie d'avoir la bonté de renouveller l'abonnement du journal helvetique, à commencer du 1er juin 1778 à MM. Peschier, Bouillon et compagnie négociants, rue Saint [Ferreal] à Marseille.

            Au cas que vous eussiez les 5 premiers mois de 1777 c'est à dire janvier à juin 1777, ces Messieurs les désireraient.  Vous pouvez cesser celui que vous m'adressiez, n'étant pas juste que vous vous constituiez un frais inutilement.  Ce n'était que pour vous attirer des souscriptions; mais le nombre des papiers publiés est si multiplié aujourd'hui, que le nombre, bien loin d'encourager le public, le dégoute.  La trop grande abondance des denrées, les fait mépriser.

            Vous me feriez plaisir de me donner quelques nouvelles au sujet du trop fameux M. Linguet.  Je ne sais s'il n'a pu réussir en Suisse à faire paraître ses annales.  On m'avait d'abord écrit de Lausanne qu'il devait s'y aller [      ].  Je n'en ai plus aucune nouvelle. Il y a apparence qu'il y a trouvé beaucoup de difficultés, de sorte qu'il y a apparence que le journal est aneanti.  Il est vrai de dire que le nombre des contrefaçons était si fort, sans encore les nouvelles que l'un se proposait, qu'il était bien difficile que le premier fabriquant pût en tirer tout leparti possible.  D'ailleurs le prix en était si variable, que le public incertain ne savait à quel le déterminer.

            Vous me ferez grand plaisir de me dire ce que vous aurez appris à cet égard.  On a dit ici que M. Linguet était aussi allé à Neuchatel pour l’établissement de ces annales; comme j'aurais ici quelques abonnés, le 1er avis les déterminerait à condition cependant que l'abonnement des portes de France eût lieu; car c'est là l'âme de tout abonnement.  La voie de commodité est si incertaine, que les abonnés sont dégoutés, et n'en veulent plus.

            Dès que la tranquillité sera revenue, je ne vous perdrai pas de vue; mais j'ai suspendu toute demande étrangère depuis trois mois.

            Je vous recommande donc très fort de ne pas faire passer à Lyon à votre envoi; de vous arranger là-bas avec quelque confrère, pour qu'on se change de cette bagatelle; car je ne le retirerais pas ici; et il risquerait beaucoup.

            J'ai l'honneur d'être très parfaitement

Messieurs,

 

Votre très humble

très obéissant serviteur

J Mossy

 

 

Date: 
Mon, 06/29/1778