A Literary Tour de France
2. Lair à la STN, 15 novembre 1773, Blois

Messieurs de la Société typographique                                                 Blois, le 15 novembre 1773

de Neuchâtel                                                                                            

Messieurs,

            Je reçois à ce moment l’honneur de la vôtre 10 courant. Ayant vendu hier mon vin vieux et nouveau (car celui de l’année dernière me restait encore) à des marchands normands qui tirent beaucoup d’ici dans les années telles que celle-ci, où les pommes ont manqué chez eux, ils

doivent me remettre des effets à [cours jours] sur Paris. Dès qu’ils seront rendus chez eux, ce qui peut aller à quinze jours ou trois semaines devant partir ici pour [Boigency] et Orléans, où ils projettent de faire quelque achat avant de se rendre chez eux. Je vous ferai passer ce papier dès l’instant que je l’aurai reçu.

            L’unique commerce de ce pays n’étant qu’en vin et eau de vie [cause seule] l’abondance ou la rareté de l’argent. On cueille dans les bonnes années 10, 12 jusqu’à 15 [poinçons] de vin et plus à [l’arpent]. Cette élection qui en contient plus de cinquante mille. Jugez combien il doit y en avoir dans les années d’abondance, alors on le brûle dans plus [huit cent] chaudière qui vont jour et nuit 3 ½ à 4 [poinçon] [rendent] vu poinçon d’eau de vie de 240 pintes mesure de Paris. Lorsque le vin a de la qualité, nos vins et eau de vie approvisionnent en partie Paris outre ce qui passe à l’étranger. Tout ceci qui est disparate n’est que pour vous instruire de notre local.

C’est à vous, Messieurs, à qui je dois le nom de libraire que vous me donnez si gratuitement, quoique depuis longtemps je tire de Paris et d’ailleurs la librairie et autres articles que me demandent [ou] m’envoient les personnes de qui j’ai l’honneur d’être connu. Ce que nos deux libraires et autres jalousent, bénéficiant moins qu’eux, je m’attache à conserver la confiance du publique et à répondre sans leurs secours aux engagements que je contracte, jouissant comme eux des termes et remises qu’on leur accorde.

Attaché par inclination et par goût aux gens de lettres que j’estime et dont je recherche les ouvrages vraiment utiles, j’en ai depuis longtemps fait une collection que j’entretiens de mon mieux, que des personnes d’esprit voient avec plaisir quoiqu’elles soient peu nombreuses, mais je m’attacherai toujours à la continuer d’ouvrages les mieux choisis.

On me propose depuis longtemps d’ouvrir chez moi un cabinet littéraire à l’instar de ceux de Paris, Bordeaux, Nantes etc., ce que la plus grande partie des personnes attachées au conseil supérieur établi ici depuis quelques années me réitère aujourd’hui avec plus de chaleur et d’instance que jamais, je n’ai point encore voulu répondre à leurs empressements malgré les avantages que j’y trouve; mais les augmentations d’ouvrages qu’il y faudrait joindre successivement pour le [compléter] fait le sujet de mes réflexions et celui du temps que je leur ai demandé pour m’y décider. La librairie est trop chère à Paris. Si la réduction que vous annoncez de L. 9 pour cent d’impress[ions] étrangères a lieu, je pourrai bien me décider en faveur de l’établissement du cabinet littéraire qu’ils désirent.

Outre les commissions dont je me charge, je tiens pension bourgeoise dans une belle et grande maison que j’ai fait [bâtir] et meubler [décemment] à cet effet. J’y ai souvent des [anglais] à qui j’enseigne la langue, et des personnes distinguées qui viennent suivre des affaires au conseil ou qui voyagent pour leur plaisir, ce qui forme [presqu’en tout temps] une société aussi gracieuse et amusante que ma bibliothèque et celle d’un chanoine que j’ai ici [amusé]. Je tire même pour leur

délassement une partie d’ouvrages périodiques qui paraissent. Si pour douze livres vous voulez y joindre (de vous à moi) votre Journal helvétique, le premier envoi commencerait l’année, étant connu ici vous y auriez peut-être quelques souscripteurs.

J’avais déjà communiqué à plusieurs amateurs votre prospectus de la Description des arts et métiers que M. Malherbe m’avait fait passer de Loudun et lorsqu’ils seront de retour de leur campagne, je leur en communiquerai le premier volume. Bien des personnes y auraient souscrit sans la lenteur avec laquelle vous en faites succéder les volumes. Car si on juge du premier volume qui parut sur la fin de 1770 au deuxième volume qui ne paraitra vraisemblablement que dans les premiers mois de 1774, il n’est guère possible de penser qu’on vivra assez pour jouir de l’ouvrage entier. Mais ce l’ardeur avec laquelle vous paraissez reprendre un si précieux ouvrage ne se ralentit pas, et que vous puissiez vous mettre en état d’en délivrer trois ou quatre volumes par an (ce que vous pouvez aisément faire si vous ne manquez pas de bons [copistes graveurs]) je suis persuadé que vous aurez autant de souscripteurs qu’il y a d’amateurs dans l’Europe. Il intéresse trop d’états et de professions que je ne crois pas trop charger le tableau puisque cet intéressant ouvrage peut au moins faire le pendant des Encyclopédies de Paris et d’Yverdon étant perfectionné et pousse aussi vivement qu’il peut [l’être] sur un fond déjà fait, revu et soigné par une des plus savantes sociétés de l’Europe, son mérite, son étendue et le bas prix le rendra d’un acabit général. J’espère apprendre par votre première ce que vous pourrez précisément fournir [par an].

Le plan de la Description des arts et métiers que vous paraissez adopter ne pourra qu’être favorablement reçu du public et des connaisseurs. Il change même celui de Paris que vous paraîtrez n’avoir pas servilement copié et fourni aux auteurs, le plus vaste champ pour y mettre beaucoup de leur propre fond, ce qui le [dénaturera] totalement et lui attirera les admirateurs que mérite un si précieux monument.  

En attendant ma remise, je vous prie de faire brocher les volumes de lEncyclopédieà mesure qu’on vous les remettra. J’en ai fait voir [quelqu’un] au peu de personnes qui sont déjà [rentrées]. Je crois pouvoir y décider quelques souscripteurs. Ma première pourra vous en instruire plus positivement ainsi que de ce qu’on me demandera. D’ailleurs, mais à l’avenir il ne faudra rien envoyer sans être broché. Le prix S.V.P. de la reliure en veau et en bazanne [relié] tout proprement chez vous.

J’espère comme vous que les premiers [envois] seront moins côuteux que le dernier et que vous me ferez passer les raisons pourquoi il en a coûté si cher, lorsque M. Chaub de Lyon vous aura détaillé les articles.

J’ai l’honneur d’être bien parfaitement

                                               

Messieurs                                                                         Votre très humble et obéissant serviteur                                                                                                Lair

[at bottom of page]

Monsieur

Monsieur [Sunet] et fils Directeur des postes, pour M. F. Onervald

Pontarlier en Franche Comté

Date: 
Mon, 11/15/1773