A Literary Tour de France
21. Revol, 21 mai 1779, Lyon

M. de la Société De Neuchâtel

Lyon, le 21 mai 1779

Messieurs,

Notre lettre d’hier vous accusait la réception de douze balles que nous aviez annoncées par la chère vôtre du 28 avril et 7 courant, dans lesquelles vous nous aviez marqué que vous aviez donné ordre à M. Pion d’en suivre nos ordres.

                  Sans aucun égard à vos recommandations, le Sieur Pion nous a jetés dans un embarras des plus considérables! Car peu s’en est fallu que toutes vos balles aient été saisies.

                  Jusqu’à présent, nous avons cru que ces fautes provenaient du peu d’expérience dans les affaires. Actuellement, nous sommes convaincus que, sans aucun égard, il ne cherche que ses intérêts en sacrifiant les vôtres. Il ne nous est pas possible de continuer de travailler avec cet homme, et si vous n’avez pas d’autres voies pour nous faire parvenir à notre gré vos marchandises, nous sommes forces d’y renoncer.

                  Vous connaissez, Messieurs, les conséquences, si, par malheur, ces balles eussent été saisies -- et la nôtre, ait failli être saisie -- faute qu’il se soit conformé aux ordres qu’il a reçus.

                  Ce qui va vous prouver, Messieurs, de la façon d’agir. Le 10 du courant, il nous donne avis qu’il nous a expédié le 8 deux balles (ML n° 82, 83) pour nous être rendu en 12 jours à L 3-15-0 du cent pesant avec remboursement pour ses frais de L 9-15-0. Ces deux balles ne sont point encore arrivées.

                  Le 17, il est arrivé en notre douane un voiturier provençal, chargé de douze balles que nous avons reconnues pour être celles que vous aviez avisées. Jugez quelle a été notre surprise. Nous lui avons demandé s’il n’avait point reçu d’ordre particulier de m. Pion. Il nous a répondu que non, et nous a montré une lettre de voiture en date du 12 mai à notre adresse, de 12 balles [Snt] 2386 avec remboursement de L 75. Nous n’avons encore reçu aucun avis de lui.

                  Notre premier soin a été de chercher des moyens de les enlever de la douane, ce qui n’est pas aisé. A force sollicitations, et un petit présent, nous avons gagné le garde de nuit de la douane. Nous les avons fait enlever la nuit du 18 au 19. Heureusement pour nous, c’est que nous nous sommes trouvés en magasin des balles de M. Duplain d’Encyclopédie pour les remplacer.

                  Contents d’avoir si bien réussi, nous nous félicitions, et notre joie n’a pas été de grande durée, lorsque nous avons aperçu que vos balles avaient souffert de la pluie. Vraisemblablement, M. Pion, pour profiter d’un voiturier qui s’en retournait vide à Lyon, et conséquemment, pour en tirer meilleur parti, n’a pas craint de charger le 12 et 13 suivant sa lettre de voiture, jours qu’il plut toute la journée, et de remettre à un voiturier qui n’a point bâché sa voiture.

                  Nous avons été obligés de déballer toutes vos balles. Il y en a très peu qui ne soient endommagées. Depuis deux jours, nous travaillions à les faire sécher, et nous avons extrait de chaque balle ce qui s’est trouvé endommagé. Nous n’avons pas encore le temps de vous donner une note détaillée du mal. Cependant, pour vous tirer de peine, voilà à peu près les balles endommagées. Jugez quel effet cela aurait fait pour réclamer nos balles ci-devant saisies. Et ce serait bien son imprudence qui nous aurait mis dans ce cas.             

                  De plus, ce qui nous empêcherait de travailler avec cet homme, c’est qu’il y a chez lui négligence et méchanceté. Négligence en ce que nous recevons des marchandises sans avis, d’autre fois, la marchandise avant l’avis. C’est ce qui nous est arrivé dans vos précédents envois, où, faute d’avis et de note de frais, nous avons retardé nos expéditions, et nous ne vous cacherons point que dans le nombre de vos balles saisies, il y en a deux que, s;il nous eut envoyé la note de frais, nous leur aurions donné cours dans le temps. Nous en avions les occasions. Sans ce retard et les circonstances des grosses eaux, elle ne se seraient point trouvé sur cette maudite voiture saisie. Dans son fait, il y a de la méchanceté en ce que nous avons reçu depuis un mois cinq à six envois, soit de Fauche, et de Berne, lesquels, malgré la recommandation de ces Messieurs.

RL n°87   il n’y a point de mal

FC …90   idem

L   …78   idem

L   …80   idem

L   …81   il y a 5 à 6 exemplaires de la Lyre Gaillarde un peu endommagés. Nous les avons faits sécher.                          Ils ne s’y connaîtront pas.

MM …84 il y a 8 exemplaires de la Correspondance endommagés. Il y a un exemplaire bien maltraité.

RC   …85  il y a trois Bibles d’Ostervald de gâtées. Nous les avons soustraites de la balle.

LL   …89  il y a 6 exemplaires du Pôle Austral qui ont été mouillés. Nous les avons faits sécher. Il n’y en                                      aura qu’un qui soit un peu endommagé.

              76

       77  nous avons extrait de ces trois balles ce qu’il y avait de gâté. Nous ne pouvons vous en donner

79    note, attendu que ce n’est pas encore sec. Dans ces trois balles ensemble, il peut y avoir le quart d’une de mouillé.

PL    …88   celle-ci, elle est la plus maltraitée. Elle est presque toute endommagée.

Toutes ces balles ont été déballées sans confusion. Nous en avons soustrait ce qui a souffert. Tout est rangé avec ordre. Par le premier courrier, vous donnerons la note détaillée.

                                                                                                            Revol

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Date: 
Fri, 05/21/1779