A Literary Tour de France
25. Revol, 30 juin 1779, Lyon

M. de la Société À Neuchâtel

Lyon, le 30 juin 1779

Messieurs,

Nous venons de recevoir l’honneur de votre lettre du 26 qui nous surprend de ce que vous vous plaignez de ne point recevoir de nos nouvelles. Vous ayant avisé du départ de toutes les balles qu’avons reçues, et n’ayant rien d’intéressant à vous écrire, nous attendions l’arrivée de celle FC n°125 pour vous accuser réception, et pour satisfaire aux demandes que nous avez faites.

                  Soyez tranquilles sur le sort de toutes les balles que nous avez adressées. Elles doivent être rendues à leur destination. Nous venons d’expédier celles marquées ML 82 pour Malherbe et celles EB 83 pour Bergeret, qui ne sont arrivées que très longtemps après les autres, quoique vous ayez marqué les avoir expédiées ensemble. Nous vous prévenons que M. Le Roy vient de nous remettre une balle qu’il avait en magasin depuis quelques temps, contenant 26 Bibles in folio d’Ostervald, laquelle Meuron et Philipin lui ont donné ordre de nous remettre, l’ayant expédié par erreur à M. Duplain. M. Le Roy, fâché de ce qu’on lui adresse des balles de cette nature, et n’en voulant recevoir d’aucune sorte, nous a fait rembourser, outre ses frais de voiture et autres, plus de six Livres pour sa provision, en nous prévenant que, si, à l’avenir, on lui en adresse d’autres, il prendra vingt-quatre Livres par balle. Suivant la lettre de voiture qu’avons reçue, c’est la balle BL n°30. Nous allons l’expédier, suivant les ordres que nous a donnés M. Buchet de Nîmes.

                  Nous nous conformerons à votre lettre du 9 juin, et nous laisserons le voiturier tranquille jusqu’à nouvel ordre, vous prévenant que, de la manière dont nous avons opéré, nous sommes en droit de la forcer à un dédommagement, du moins pour vos Bibles qu’avons présentées à nos syndics, et qui seront à même de constater de l’état où elles se sont trouvées. À l’égard des autres livres, il n’en a pas été question! Et ce, pour cause.

                  Nous n’avons pu trouver chez aucun papetier du papier conforme à l’échantillon que nous avez envoyé. Ci-joint, un des plus conformes. S’il vous convient, marquez-nous le par le premier courrier. Cette qualité de papier sert pour le dessin, et l’on en demande L.30 de la rame.

                  Il n’est pas possible de prendre la voie de Marseille pour vos expéditions pour l’Espagne. Les balles de livres qui s’embarquent sont très rigoureusement soignées à la Chambre de Marseille, qui est très rigide. Pour ce moment, il n’y faut plus songer. Nous aurions moyen de faire parvenir vos balles en Espagne en les embarquant à Sète en Languedoc, et la route n’est pas plus spendieuse à 10 sous près par quintal, et nous avons des moyens de les rendre à Sète sans être visitées.

                  Nous sommes aussi impatients que vous d’avoir le relâchement de nos balles saisies. Malgré nos sollicitations, nous ne pouvons avoir réponse du Chancelier, et, ceux qui s’intéressent pour nous, nous engagent à prendre patience. Si, dans la huitaine, nous ne recevons point de nouvelles, vous enverrons la copie du mémoire qu’avons adressé au Chancelier. Elle vous servira d’instruction, et peut-être qu’à la sollicitation de vos amis, nous en obtiendrons plus tôt le relâchement. Si nous n’avons pas pris plus tôt ce parti, c’est dans la crainte que vous ne fassiez de démarches contraires à celles qui nous ont été tracées par les amis qui s’intéressent pour nous, et qui craignent d’être compromis.

                  Vous enverrons aussi, après le comptant de nos paiements, le compte qu’avons ensemble par débit et crédit. Nous sommes, en avance, avec vous, et vous prions, à l’avenir, de ne faire traite sur nous que lorsque nous aurons des fonds à vous, et, surtout, de nous en aviser.

                  Toutes les balles de livres qui passent dans les villes où il y a des Chambres sont sujettes aux visites, par qui qu’elles soient expédiées, qu’elles y restent ou qu’elles y passent debout. On ne peut éviter la visite qu’en prenant des précautions, étant d’intelligence avec les amis de chaque villes de passage. Sitôt l’arrivée de vos balles 128, 129, ainsi que celle 125, nous y ferons le nécessaire. Dans la note que vous avons donnée des livres gâtés qu’avons soustraits des balles L de Malherbe, nous en trouvons une quantité qui pourront passer. Si vous jugez à propos, nous en ferons un ballot, et nous lui l’expédierons en vous envoyant la note. Nous attendons pour ce sujet vos ordres. Nous avons été surpris d’apprendre que vous faisiez entrepôt de vos livres chez M. [B] Darnal, attendu que vous avons offert nos services, et que nous avons de grands magasins à votre disposition, qui, sûrement, auraient été moins spendieux. Il est vraisemblable que ces Messieurs en font expédition suivant vos ordres. Par l’attachement que vous avons voué, nous méritons la préférence, attendu que cela regarde notre état. Nous avons l’honneur d’être très sincèrement, Messieurs, vos affectionnés serviteurs,

                                                                                                                              Revol et compagnie

Book Titles: 
Date: 
Wed, 06/30/1779