M. de la Société A Paris

Lyon, le 18 avril 1780

Messieurs,

L’honneur de votre correspondance nous devient tous les jours plus pénible et bien ennuyeux par l’amertume que vous y mettez. Il semble que vous voulez nous rendre responsables des événements que nous n’avons pu prévoir relativement à vos balles saisies. Il semble aussi que tous ces gribouillages qu’avez avec vos Encyclopédies proviennent de notre faute, tandis que, tout au contraire, si nous aviez voulu croire dans le temps, vous vous seriez bien épargnés d’embarras et d’ennuis, ainsi qu’à nous ; car tous ces volumes expédiés de trop, et toutes ces erreurs ne proviennent que du malentendu qu’avez eu avec M. Darnal, et du gâchis qu’a fait la brocheuse en étiquetant des tomes les uns pour les autres, ce qui fait que nous ne savons à quoi nous en tenir jusqu’à ce que nous ayons fini de collationner les exemplaires qu’avons en nos magasins.

                  Vous dîtes avoir donné des ordres à mon commis d’expédier à Paris et à Rouen de vos Encyclopédies. Jamais ne lui avez donné aucune note. Rien ne se perd sur notre comptoir. De plus, quand une note s’égarerait, on en aurait un souvenir, et mon commis m’assure que jamais vous ne lui en avez parlé.

                  Vous dîtes aussi, Messieurs, que ces retards vous deviennent préjudiciables. Quand même nous aurions reçu plus tôt votre note, aurions nous pu en faire expédition, puisque dans ce moment, nous ne pouvons encore le faire jusqu’à ce que tout soit collationné, et que les volumes de planches soient brochés ?

                  Nous pouvons vous assurer qu’il est bien dur pour nous, qui prenons un soin pénible et tout particulier pour vos intérêts, de recevoir dans toutes vos lettres des aigreurs et des reproches. Nous n’y sommes point accoutumés, et nous préférons de grand cœur, rompre tout commerce avec vous. Monsieur  [Périsse] doit vous envoyer le procès verbal que vous demandez. Les balles saisies avec les vôtres ne contiennent rien de prohibé et point d’ordure, ainsi que nous l’avez dit dans vos dernières.

                  Gardez-vous bien de parler du contenu de vos balles, parce que si on vous les rend, on vous forcera à les retourner à Neuchâtel. Dans le courant de cette semaine, nous expédierons les 12 exemplaires à Paris avec 12 explications des planches, que nous présumons que n’avez pas. Puisque vous saviez qu’aviez dix exemplaires à expédier à Rouen, vous auriez dû retenir les planches pour ces 10 souscriptions, cela aurait évité des frais.

                  Nous avons l’honneur d’être très sincèrement,

Messieurs,

Vos affectionnés serviteurs,

                                                                                                                              Revol et compagnie