A Literary Tour de France
5. Guillon, 6 avril 1773, Clairvaux-les-Lacs

Messieurs de la Société Typographique de Neuchâtel en Suisse                 

Clairvaux, le 6 avril 1773

Messieurs,

Malgré tous les soins et diligences possibles de nos colporteurs, deux se sont laissés prendre avec leurs charges, qui sont celles marquées MM nº 24, AD nº 28. Dans ce dernier est renfermé 6 Questions sur l’Encyclopédie, avec quatre L’An 2440. Étant renfermés dans le bureau de Saint-Claude sans aucune espérance de les pouvoir répéter. Par rapport à ces deux livres qui se trouvent prohibés, et malgré toutes les démarches que j’ai faites, étant allé à Bourg pour m’instruire auprès de MM. Robert et Vénaret, ils m’ont dit que le plus court parti était de ne les point répéter, parce que toujours seraient-ils confisqués à la Chambre syndicale à Lyon. Si le hasard eût voulu que ç’ait été d’autres ballots, en les répétant, on les aurait pu faire conduire à Lyon à la Chambre syndicale, où on aurait pu payer les droits, et, par ce moyen, la les ravoir. Comme le sieur Robert m’a toujours fait croire que vous ne feriez passer aucun livre prohibé, en me disant que quoiqu’ils soient pris, en payant les droits et les faisant conduire à Lyon, ils ne seraient point confisqués, et que les porteurs ne risqueraient jamais rien. Mais aujourd’hui, nous voyant bien trompés, car pour la marchandise, il n’y faut plus penser, et quant aux hommes, étant bien en danger d’être condamnés aux galères, parce que l’Evêque de Saint-Claude a pris le fait en main. Nous fâchant beaucoup de cet accident, parce que c’est le chef de nos colporteurs. Cependant, nous faisons tous les efforts possibles pour les faire sortir. Nous employons le vert et le sec. Je ne sais si nous y réussirons. Comme vous savez, n’étant point libraire, nous ne connaissons point ceux qui sont prohibés ou ceux qu’ils ne le sont pas. Il serait nécessaire que vous les puissiez mettre tous dans le même, et nous le faire savoir, parce qu’au moins, nous ordonnerions aux porteurs que tel et tel ballot, si au cas ils fussent poursuivis, d’abandonner leurs charges et de ne point se laisser prendre. Et pour lors, vous mandiez au sieur Robert de les distribuer dans quels ballots vous souhaiteriez. Vous voyez vous-même qu’il ne faut qu’un livre seul soit prohibé pour faire confisquer toutes les charges qui pourraient être avec, et le grand risque et, par conséquent, la perte excèderaient le petit profit que l’on peut faire. D’ailleurs, j’espère aller bientôt vous voir. Là nous parlerons et nous nous accommoderons le mieux qu’il nous sera possible, et, en prenant nos dimensions comme il convient, vous ne nous ferez aucune expédition sans nouvel ordre. Et sommes avec la plus parfaite considération,

Messieurs,                                           

Vos très humbles et très obéissants serviteurs,

                                                            Guillon l’aîné et Janod

Date: 
Tue, 04/06/1773