A Literary Tour de France
5. Lair to the STN, January 22, 1774

5. Lair to the STN, January 22, 1774

 

Messieurs de la Société typographique

de Neuchatel

 

                                                                                         Blois, le 22 janvier 1774

 

 

Messieurs,

 

Je dois réponse aux deux lettres que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire les 19 et 21 décembre, auxquelles je n’ai pu satisfaire plutôt faute d’objets absolument intéressants. Celle du 19 me donne copie des frais de M. Chaub, votre commissaire à Lyon de votre premier envoi pour moi, auquel il a donné passage, cette note est ainsi conçue:    

frais de Genève à Lyon y compris les droits de [L. 28, pour cent payable]            L. 29-4-

            [pour] frais de port à la douane et frais Chambre syndicale                                    L. 7-10-

            commissions et port de lettres                                                                                    L. 2

                                                                                                                          ---------------------

 

                                                                                    Total                                            L. 38-14-

 

Et cependant, par sa lettre d’avis du 14 septembre, il me charge de payer au voiturier L. 43 pour le remplir de ses débourses ce que j’ai fait outre la voiture de Lyon ici à L. 9 du cent, ce qui fait déjà une petite erreur à mon préjudice de                                                                                      L. 4-6-  

Erreur qui jette du soupçon et me fonde à vous prier d’observer que dans les L. 7-10- du second article, il y en doit naturellement avoir un autre. Car il est évident que cet article doit faire partie du premier. C’est à la douane qu’on paye les droits d’entrée . Le port du ballot à la Chambre syndicale et les droits de cette chambre ne doivent assurément pas monter à L. 7-10-. Je laisse à votre prudence de lui en faire l’observation. Je crains seulement qu’il ne s’autorise et ne se règle sur les frais dans les passages qui pourraient suivre ce qui deviendrait pour votre maison et pour celles de vos amis assez considérable pour les dégôuter . Si lEncyclopédiecourt des risques ainsi que vous me l’avez fait observer, comment l’expose-t-on à la visite de cette Chambre Syndicale? Si vous ne pouvez rien tirer de plus, vous me créditerez, s’il vous plaît, des L. 4-6-.

Celle du 21 décembre m’avise que vous avez reçu ma remise sur Le Grand de Paris 20/30 janvier de deux cent cinquante-deux livres pour les 21 volumes du Dictionnaire encyclopédique d’Yverdon, ce qui est bien. Me persuadant qu’elle aura fait exécution, je vous ai débité.

Je vous prie de joindre au premier envoi ce que vous avez de volume de lEncyclopédie,ma demande du 14 décembre et le deuxième volume des Arts et métiers [Description des arts et métiers] qui doit paraître depuis que vous  l’annoncez sous presse. On le désire ici avec empressement, par la sensation qu’a fait le premier volume, on serait charmé que vous puissiez y joindre deux ou trois exemplaires de Londres [Londres, ouvrage d’un français]. Tâchez de le trouver dans vos presses voisines, il plaît et vous en placeriez beaucoup. Joignez encore à cet ouvrage ce qui suit:

les Œuvres complètesde Voltaire, in 8º, papier d’Hollande, relié en veau, couleur de paille, uni avec un simple filet d’or.

l’Histoire philosophique et politiquede l’abbé Rénal, même format et même reliure que l’article ci-dessus.

les Œuvresde Jean-Jacques Rousseau, même format et même reliure que les deux articles ci-dessus.


3 exemplaires du Misantrope de Vanessen à Genève, 2 volumes, in 12, et relié en Bazanne.

l’Histoire de Francepar Vely et ses continuateurs, 20 volumes, in 12, et relié en Bazanne.

On demande ce que coûtera la Bibliothèque choisie de médecine chirurgie par M. Planchon, médecin à Tournay, continuée par M..... Combien y en t-il de volumes, ce que chacun coûtera relié ou broché.

Je dois vous faire observer à l’occasion, du prix de la reliure de ce que je vous ai demandé le 14 du mois dernier et de ce que je vous demande ce jour, que les personnes pour qui ses ouvrages sont destinés qu’ils ne veulent payer que 30 sou les in  4º, et 12 sou les in 12, et les in 8º, fondé sur ce qu’on ne paye que ces prix-là à Orléans, Chateaudun, et Amboise, au milieu desquelles la ville de Blois se trouve située, les matières premières en la main d’œuvre étant à meilleur compte chez vous qu’ici, vous le pouvez aisément faire. Vous savez qu’elle ne vaut que 10 sou à Paris. Nos imprimeurs d’ici (car il n’y a point de relieurs) en prennent impitoyablement 20 sou les infolios et les in 4º à proportion. Ce petit désinteressement de votre part ne contribuera pas peu à vous ouvrir d’amples débouchés, ce que je vous demande ci-joint les trois premiers articles [en sont] excepté, vous priant seulement de joindre 12 à 15 pour cent de vos déboursés. Si ces articles ne sont point de vos presses, elles seront mon bénéfice pour me tenir lieu de partie de frais et soins dont je m’entendrai avec vous.

Je n’ai pu obtenir des ordres pour tirer de vos presses qu’en communiquant vos catalogues, qui, fixant ce qui en sort à un sol la feuille, on ne me les payent que ce prix-là. Me voilà-donc dupé du port des lettres et d’une partie des voitures, ce qui n’est pas juste. Et je me persuade que vous ne l’entendez pas non plus: pour que le tout soit dans l’ordre, il faut ou que je vende pour votre compte à tant pour cent avec garantie, ou sans garantie, ou enfin que vous m’accordiez la feuille de tout format à neuf deniers. Alors les affaires iront rondement, car je ne vous dissimule pas que [si j’ai] eu un avantage fixe et assuré, je vous aurais fait une plus forte demande étant à portée de vous procurer de bons débouchés.

J’ai encore à vous observer qu’en plaçant quelques exemplaires du Dictionnaire encyclopédique d’Yverdon au même prix que je le [paye] pour moi, il ne me restera que le seul plaisir d’obliger Messieurs les éditeurs de cet immortel ouvrage. C’est beaucoup, j’en conviens, mais les besoins de la vie présente exigent quelque chose de plus, si on veut m’accorder douze à L. 15 pour cent je suis à portée de leur en placer quelques exemplaires.

Permettez-moi deux réflexions plus relatives à vos intérêts qu’aux miens:

1. En travaillant avec l’activité la plus grande et la plus suivie votre Histoire des arts et métiers et pouvant en donner deux ou trois volumes par an, avec leurs planches, je crois, sauf votre meilleur avis qu’un prospectus bien fait qui annoncerait tous les avantages d’un ouvrage aussi étendu qu’il vous est facile d’en prouver l’utilité et ne demandant qu’un engagement de prendre et de payer les volumes à mesure qu’ils paraitraient, vous auriez des souscriptions de tous les pays de l’univers où il y a des artistes. Puisqu’il est indispensablement nécessaire dans presque tous les états de la vie, votre bas prix empêcherait toutes contrefactions dans tous les lieux où il y a des français. Je ne doute cependant pas que son indispensable nécessité reconnue ne se fit traduire dans certains royaumes florissants où la langue française n’est pas assez généralement parlée.

2. Tous vos catalogues imprimés et distribués à différents temps, dont plusieurs se répètent, je serais d’avis que vous en fassiez imprimer un nouveau, tant de ce que vous imprimez que de tout ce qui s’imprime chez vos voisins et à votre portée et que j’intitulerai ainsi:  Catalogue des ouvrages imprimés par la société de Neuchâtel en Suisse et de ceux qu’on trouve chez elle à un sol la feuille, la reliure à [tant] les informations, in 4º, in 8º, et in 12 proprement, en Bazanne et à ....en veau-broché à [---]. Il faudrait que ce catalogue fut articulé par chaque genre d’ouvrage, afin que tous les curieux amateurs puissent trouver dans l’instant tous les genres d’ouvrage relatifs à leurs facultés et à leurs goûts. Je vous donne ma parole qu’en [répendant] un tel catalogue dans toute l’Europe vous auriez tous les [temps] de solides débouchés.

C’est avec plaisir que nous verrons les premiers essais de vos traductions allemandes sortir de vos presses. Je sais que la littérature y est en considération et qu’elle a dans son sein une partie des plus habiles gens que nous ayons en Europe. Je vous serai obligé à ces ocassions de me donner (autant que votre temps vous le permettra) la note du nom des savants occupés à lEncyclopédied’Yverdon, dont je ne vois que les premières lettres au-bas des principaux articles dont ce précieux ouvrage est composé.

Je n’ai reçu que le 12 courant votre Journal helvétique de décembre. Je pense qu’il a dû paraître au commencement du [d’] mois de décembre, et que celui de janvier est déjà vieux chez vous. Je vous prie à l’avenir de me l’envoyer le plus tôt possible. Je le trouve bon et bien rempli. Les personnes d’esprit à qui je l’ai fait passer le trouvent de même. Ils désireraient comme moi une feuille de plus que vous êtes à portée de remplir d’objets très interessants. Il serait bien plus répandu en France, car il y est plus cher que tous ceux qui y paraissent.      

             Messieurs de Cartillon frères ci-devant coopérateurs du Journal encyclopédique de Bouillon viennent d’obtenir de l’abbé Rubert le privilège du Journal des beaux arts, ce dernier ayant obtenu une chaire de professeur du droit français. Nous trouvons déjà une amélioration marquée de cet ouvrage dans le premier volume, qui a paru le premier de ce mois. Celui de Verdun vient aussi de passer en d’autres maisons ne s’aperçoient guère encore de ce changement. Il paraît depuis le 15 de ce mois un nouvel ouvrage intitulé l’Espagne littéraire. Si le prospectus est rempli, cet ouvrage méritera une sorte de considération, on en donnera un [cahier] de 3 feuilles tous les 15 jours de chacun 72 pages. J’attends le premier qui décidera ma souscription.

Je vous serai très obligé de ne point oublier les 3 pages qui manquent au deuxième volume de lEncyclopédieet de mettre des feuilles de papier entre les volumes d’envoi.

Si notre correspondance se lie et s’augmente, j’irai aux beaux jours à Paris et y [lèverai] une lettre de marchand libraire afin de m’étendre sur cette partie. J’aurai l’honneur d’y voir l’ami dont vous me parlez et celui de lui remettre le manuscrit en question. Un ami habile homme vient de mettre en vers français les Psaumes de David et les Cantiques très joliment et très spirituellement versifiés [l’onction] et la pureté de la langue qui y règnent l’ont fait regarder des connaisseurs comme un ouvrage [assez] digne de la presse. Je crois qu’on l’aurait à bon compte après le vu d’un [censeur] éclairé. Si je vais à Paris, je pense qu’il pourra me le confier

Quelque longue que soit ma lettre, agréez qu’avant de la finir, je vous assure de toute la sincérité des voeux que j’adresse au père des lumières pour la conservation des jours de toute votre société. Si mes souhaits sont remplis, il ne manquera rien à votre félicité pendant le cours de cette année. La mienne sera entière si vous m’accordez avec l’honneur de votre souvenir celui de me croire bien véritablement

 

  Messieurs                                                                 Votre très humble et très obéissant serviteur  

                                                                        Lair de Blois

 

                                                       


 

Au risque de vous ennuyer encore, je vous prie de me dire si vos presses gémissent comme celles de Paris sous le poids d’immenses romans dont on les charge de ces bagatelles, de ces petits riens dits avec art, aussi conformes à la frivolité de notre siècle qu’intimement liés à la légèreté du génie de notre nation, que nos petits maîtres et nos femmelettes recherchent avec tant d’empressement et pour l’acquisition desquels on m’a fait bien des instances. Je n’ai refusé de m’y prêter que parce que j’ignorais qu’elle entrait dans votre typographie. D’autres m’ont demandé quelques romans libres; en [l’avez] vous ? Donnez–moi, s’il vous plaît, la note des uns et des autres. 

On dit, et je n’ai rien de certain, que le Roi transfere son [école] royale militaire de Paris               

au château royal de Chambord à des petites lieues de cette ville et cela par un principe d’économie, d’abord le bois et les vivres y sont à  meilleur compte qu’à Paris et que pour éviter d’y rebâtir un hôtel Dieu pour tenir lieu de celui qui fut incendié dernièrement, on prend l’hôtel militaire pour y loger les convalescents et on rebâtit dans l’endroit incendié près Notre-Dame où on placera les malades. Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’il est venu cette semaine plusieurs députés du conseil pour visiter le château et les environs et faire un devis estimatif des ouvrages à y joindre, on les estime à huit [cent] mille livres. Si ce projet a lieu, il pourrait ouvrir un débouché à vos presses, espérant de m’y faire connaître.                                                                                                                  

 

Date: 
Sat, 01/22/1774