A Literary Tour de France
9. Lair to the STN, April 18, 1774

Messieurs de la Société typographique de

Neuchatel                                                                                         Blois, le 18 avril 1774

 

 

Messieurs,

 

            J’ai reçu hier l’honneur de la vôtre 12 courant votre façon de penser sur mon compte me justifie et m’honore. Assurez-vous, Messieurs, que je n’oublierai  jamais ce que je vous dois. Il est trop lié avec ce que je me dois à moi-même pour mériter cette confiance, qui fait la base de l’étroite et sincère correspondance que j’ai toujours recherchée et que [je suis] par goût et par sentiment, afin d’exprimer respectivement dans mes lettres votre véritable façon de penser.

            Votre lettre accompagne votre facture de l’envoi d’un ballot libri pour Lyon à mon adresse. J’attendrai son arrivée pour examiner ce qu’il contient. Le trouvant juste, j’en passerai écriture de conformité avec vous, qui le note pour cinq-cent quatre-vingt dix-neuf livres dix sols, mais vous y comprenez un exemplaire de 28 volumes reliés de l’Encyclopédie d’Yverdon que je ne vous ai point affirmativement demandé, sans au paravant m’avoir marqué la remise que Messieurs les éditeurs de cet ouvrage me voulaient faire. Car il est d’usage qu’entre bureaux typographiques ou marchands libraires on accorde une remise honnête. Vous en devez avoir une et vous ne m’en faites pas celle dix-sept sols que vous faites par volume que vous me dites de prendre de la reliure, ne leur coûte rien , n’y à vous non plus si je l’acceptais, elle se trouverait confondue dans les faux frais, les absorberaient et au-delà qui me tomberaient en pure perte. Si le [toureau] d’Yverdon ne m’accorde pas dix pour cent de remise, il est libre de se choisir des commerçants qui en placent pour rien, pour leur compte.

            Je ne vous propose point de nouveaux arrangements [sur] le premier exemplaire de ce même ouvrage étant pour moi. Si vous en obteniez deux, c’est une gratitude dont  je vous saurai gré, mais je ne l’exige pas, car entre nous à L. 12 le volume, c’est plus cher que celui de Paris dont l’information est fixée à L. 24, les droits et frais de voiture l’augmentent encore. D’ailleurs on est sûr de la bonté des planches de celui-ci et incertains du sort des autres qui se font trop attendre pour en augurer favorablement.

            Il est donc décidé et nous voilà d’accord, que vous me passerez à neuf deniers la feuille de ce que j’aurai occasion de tirer de vos presses et à un sol la feuille, tout ce que vous serez obligé de tirer des presses voisines ce que j’accepte aux conditions que vous ne prendrez rien de chez eux qui ne soit broché ou que vous ne fassiez brocher avant l’envoi sans frais pour moi, ni de voiture et de droit, jusqu’à Lyon. La reliure propre à L. 30 [l’in] 4o, et 12 sou les in 8º, et les in 12  la remise [ordre] que vous faites respectivement vous indemnisera de ces petits frais.

            Vous ne sauriez croire les instances qu’on me fait pour être servi de tout ce que je vous ai demandé, et combien j’aurais d’occasion d’en placer si vous apportiez plus de diligence dans vos expéditions. Tâchez, je vous supplie, de joindre ce qui vous manque à l’envoi qui vous reste à me faire et y ajoutez les articles suivants, savoir     

 

1 exemplaire de Religionis naturalis & revelatae principia, édition 2 Laziriis 1773

[anclore houk] in 8º, 3 volumes   (nouvelle édition, broché)

1 exemplaire de Dom B, portier des Chartreux   (nouvelle édition, broché)

1 exemplaire de la Nature par Robinet  (nouvelle édition, broché)

1 exemplaire du Système de la nature par Mirabeau  (nouvelle édition, broché)

1 exemplaire Philosophie de la nature  par Mirabeau  (nouvelle édition, broché)         

1 exemplaire Droit des gens 2 volumes,  in 4º  (relié)   

1 exemplaire  Eléments Doryctologie in 8º   (relié)

l’Établissement des européens dans les Indeset beaucoup d’autres ouvrages auraient pu être placés dans cet envoi étant des premières demandes que des personnes dont quelques-unes se proposaient de souscrire à votre Description des arts et métiers attendent depuis longtemps. Vous sentez que ce retard les refroidit et qu’il ne s’accorde pas aux intérêts que vous avez d’avancer vos souscriptions pour la célérité duquel ouvrage j’ai toujours crains que vos graveurs n’apportassent de continuels obstacles. Serait-il impossible de faire exécuter ce travail ailleurs que sous vos yeux, c’est-à-dire au domicile de l’artiste qu’un de vos Messieurs, dirigeant l’ouvrage inspecterait, car dans le cas présent, il faut user de tous les moyens possibles pour aller en avant. Vos intérêts l’exigent, surtout dans ce commencement. J’appréhende pour les éditeurs d’Yverdon qu’un délai à produire le premier essai de leurs planches ne nuise au débit de leur Encyclopédie. S’il ne nuit pas absolument, il ralentit au moins l’acquisition d’un des meilleurs ouvrages que l’homme peut entreprendre et produire.

            Quant au journal de Francfort de M. Paradis, le prix du transport en deviendrait trop coûteux. Laissons-le jouir de toute sa béatitude chez son auteur. Il passe certainement en France, par quelle voie y passe-t-il ? Et que [faut-il] pour le recevoir franc de port ici ou à Paris à une adresse que je donnerais? Si la remise était honnête, je le prendrais depuis qu’il paraît en me le faisant rendre à Paris .

            Je n’ai pu encore faire d’usage du supplément de votre catalogue joint à votre

lettre, je l’ai seulement communiqué à plusieurs  clients de ma pension qui sur le bon marché de vos ouvrages m’ont promis des mémoires lorsqu’ils auraient vu ce qui manque à leur bibliothèque. Un professeur de droit, entre autres m’a dit qu’il me ferait passer plusieurs mémoires des savants et amateurs de chez lui parce qu’on leur vendait extrêmement cher la librairie qu’on leur fournissait.

Je vous réitère que votre Journal helvétique s’améliore infiniment, l’extrait de l’article des mœurs de l’Encyclopédie d’Yverdon qu’on trouve dans celui de mars est admirable. Il a fait le plus grand plaisir, on m’en a dit mille biens. Je vous invite à donner souvent de pareils extraits, il y gagnera beaucoup. Joignez-y aussi un article de bienfaisance, de générosité, d’anecdotes, d’inventions de machines etc. Ce sera un moyen de plus de le répandre.

            J’ai oublié de vous marquer que j’ai deux ouvrages manuscrits de ma  composition unique en leur genre par leur étendue et leur précision, que des savants à qui je les ai communiqués ont applaudis. C’est le fruit de plusieurs années de recherche et de travail. Je les soummettrais volontiers à vos presses si vous les en jugiez dignes, et si je n’en étais l’auteur, je vous assurerais que l’utilité du premier est générale et que celui du second ne l’est guère moins. Ces deux ouvrages consistent en six grandes feuilles ou cartes d’environ cinq pieds de long sur près de trois de large.

            La première en une carte est intitulée l’Arithmétique raisonnée et [rendue ] [sensible] avec les preuves. Toutes les opérations sont démontrées et précédées d’un [-- qu’est] suivie de leurs preuves. On voit dans cette carte tout ce qu’il [est] possible de [---] et de dire pour connaître et apprendre

seul à opérer sur une science aussi utile aux arts qu’à la société entière.      

            La deuxième est en cinq grandes cartes intitulées Clergé de France, premier corps du royaume. Je fais voir dans l’ouvrage la force, l’étendue, le revenu, les privilèges et droits de tout le clergé de France par diocèse, le nombre des evêques depuis l’année d’erection, les abbayes, curés, prieurés, couvents d’hommes et de leurs hôpitaux, chapelles, les tribunaux et tous autres établissements qui se trouvent dans chaque ville épiscopales etc., etc., etc., le tout par colonne, claires, nettes et distinctes qui établit l’état actuel de chaque diocèse.    

              Ce dernier ouvrage a été trouvé si solide et si beau de tous ceux qui l’ont vu, qu’un savant Bénédictin m’a engagé plusieurs fois de le dédier et de le présenter au clergé de France assemblé à Paris. Il m’a dit qu’étant relatif à leurs intérêts, ils en accepteraient la dédicace avec plaisir, et pourraient ordonner une pension sur le clergé ou me faire un présent qui balancerait mes peines. En vous avouant que je suis peu propre à solliciter des bienfaits, je conviendrai toujours de mes torts d’avoir négligé les plus favorables occasions de les présenter au clergé lorsque deux de nos évêques ont été de l’assemblée du clergé. J’ai poussé la negligence plus loin en ne les faisant point voir aux deux derniers évêques qui se sont succédés ici, ce qui vous prouve mon désintéressement et le peu de cas que je fais du nom d’auteur, j’ose cependant vous assurer que je serais fàché d’en priver le public.

            J’ai l’honneur d’être très respectueusement

 

Messieurs                                                             Votre très humble et obéissant serviteur

                                                                        Lair de Blois

Date: 
Mon, 04/18/1774