A Literary Tour de France
Malherbe to STN, 15 mai 1781

 

                                                                                              Loudun le 15 mai 1781

 

Messieurs,

 

Je reçois votre lettre 8 courant.  L’état que je vous ai communiqué de ma situation est fidèle.  Le bien fonds que je vous y expose existe.  Sans l’aliénation vers 3 mille livres exceptées, si vous vouliez prendre plus ample connaissance des choses, je vous nommais dans ma circulaire MM. veuve Boutet et Daillez et Dupuis à Saumur et ici un Dumoustier et [mot illisible].  Ce sont deux des plus respectables maisons de ces deux villes qui ne sont pas faites pour en imposer.  J’éprouve des malheurs des retards de paiements qui traversent d’autant plus ma bonne volonté de s’effectuer que je suis dans une ville sans ressources.  Depuis 15 mois que j’y cherche de l’aide, c’est vainement.  Je ne puis faire l’impossible.  Je travaille de mon mieux, ne fais nulle dépense de luxe, ni superflu.  Je ne suis point ménagé.  Ma mère me donne sa table.  Que pouvez-vous craindre, Messieurs ? Un surcroît de désastre, personne n’en est à l’abri.  Enfin ma liberté, mes affaires sont à la merci de mes [mot illisible].  Je ne vais travailler que pour eux.  Si on me laisse la faculté de soutenir mes affaires, si on m’y fait succomber, on peut en consommer partie en frais.  J’ai de quoi payer tout encore.  J’y sacrifierai jusqu’au dernier liard, plutôt que de succomber, mais il faut me donner du temps.  Il m’est impossible de pouvoir vous faire du comptant en ce moment.  Si on vous a insinué le contraire, c’est bien à tort.  Je voudrais trouver à aliéner ou vendre pour 10 à 12 mille livres de domaines.  Je vous promettrais aussitôt lettre vue vos 1318, mais je n’y vois nulle apparence pour le moment, à moins que je trouve à [mot illisible].  Il n’y a point d’espoir dans ma ville qui ne connaît rien au commerce.  J’emploie mes propositions au dehors, mais il est difficile de trouver, les biens n’étant pas à proximité de quelque capitaliste.  Je ne puis donc hâter à mon souhait cette négociation.  Vous m’avisez faire retraite à vue sur moi du billet 1318 ordre de M. Battilliot.  Il m’est de la dernière impossibilité de vous la payer à présentation, ne me voyant [mot illisible], rentrée prochaine.  Si vous daignez attendre, je pourrais  vous en faire une partie en vous destinant à sûre mesure les effets des ventes que je ferai en libri.  Je vous ai dit que j’ai encore environ les 2/3 des vôtres.  Je vous ai offert de vous en ressaisir.  Si vous craignez, ce n’est pas là le ton d’un homme qui veuille vous en imposer ni chercher à vous duper.  Je devais plus à M. Fauche qu’à vous.  Il veut bien m’attendre.  J’ai grande partie de nos amis qui m’accordent les délais demandés.  Daignez, Messieurs, vous y prêter et si pour vous y décider il faut vous fournir une caution, irréprochable de 1000 pour vous faire adhérer à mes offres, je vous la fournirai, l’ayant obtenue pour un objet de ces L.1000 sur lequel il ne me reste que 5 à 6 louis à liquider ou à bien là de la peine à me l’accorder, mais l’ayant, il me sera perpétué.  Il est vrai que [mot illisible] ne satisfaisant pas la caution ne garantit que payable après la mort.  Comme je vous le promets, Messieurs, faisant quelques envois, je vous destinerai peu à peu les objets qui me seront donnés en paiement.  Si au contraire vous avez des craintes que votre confiance ne soit pas en tranquillité, je vous offre tout ce que je tiens de vous.  Ce parti vaut encore mieux que de le faire saisir, exécuter et consommer en frais.  Je vous réponds de suite parce que si votre retraite paraît, je ne puis absolument y satisfaire, à moins que je fusse assez heureux que de trouver l’emprunt ou à vendre à réméré pour 9 à 10 mille livres de [mot illisible].  Si je pouvais vous payer en cette monnaie vous seriez tantôt satisfaits.  Il est fâcheux pour moi qu’on ne m’ait pas rendu la justice que je puis mériter.  Cependant divers amis ont bien voulu admettre mes offres, reconnaissant la candeur de mes propositions sans aucune plus ample information, et ces vieux amis m’assurent que malgré cette nécessité qui me peine plus que je ne puis vous l’exprimer, qu’au besoin ils me continueront la même confiance.  Ma vie est assez pénible.  Si on vient à la rendre plus tracassée par des poursuites de justice qui m’empêchent de vaquer à mes affaires auxquelles je suis uniquement attaché, et des plus nécessaires non seulement le jour mais portion des nuits, du soir et matin, qui veillera à me faire payer ?  Je soumets le tout à votre prudence.  Envisagez l’intérêt commun sans ressentiment.  Je n’en mérite aucun.  Il n’y a pas tant à craindre pour vous intérêts.  Si vous acceptez l’offre de vos marchandises, je ne vous devrai pas peut-être L.900 à L.1000.  Je ne veux point vous les [mot illisible] si vous préférez ce parti à mes propositions.  Si vraiment vous êtes persuadés que je puis souscrire à l’argent comptant que vous exigez si expressément je vais être à plaindre parce qu’au vrai je ne saurais vous le rassembler en espèces.  J’attendrai votre réponse et votre décision. 

 

Croyez-moi, Messieurs, sans fraude et dans la douleur la plus amère de ne pouvoir soutenir mon exactitude accoutumée avec vous.  Elle reprendra si votre indulgence veut me favoriser. 

 

Je suis avec sincérité, Messieurs, votre très humble serviteur,

 

Malherbe, l’aîné

 

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Date: 
Tue, 05/15/1781