A Literary Tour de France
Malherbe to STN, 15 octobre 1777


                                                                                  Loudun le 15 octobre 1777

Messieurs,

J’ai votre lettre du 5 courant.  On menace effectivement d’exercer en toute rigueur les libraires de France.  Ces entraves gêneront fort ce commerce.  Peut-être les perquisitions que l’on fait ne seront-elles que momentanées.  Je le souhaite pour que nos liaisons ne restent pas en suspens.  Je ne puis adhérer à d’autres conventions que celles déjà fixées depuis le commencement de notre correspondance.  Il vient de m’arriver 2 balles sans obstacles par Lyon et Orléans.  J’attends la vôtre sous adresse de M. Couret de Villeneuve.  Vous ne me dites pas si elle a passé ou non, il me semble qu’elle tarde bien. Aussitôt rendue et vérification faite, vous en aurez le montant suivant que je vous ai promis par ma lettre 27 août.  Il vaut mieux user de prudence que de l’exposer.  Il faudra donc laisser les articles crus prohibés pour un temps et s’en tenir à ceux qui ne sont pas sujets à censure et confiscation.  Cette sévérité paraît fort intriguer divers libraires de province.  Le subdélégué de Chatellerault a, m’a-t-on écrit, été obligé de faire visite chez les imprimeurs de la ville et y ayant trouvé 50 Terray, ils ont été séquestrés.  Les intendants sont, dit-on, chargés d’ordres de faire rechercher chez tous les imprimeurs.  Il faut qu’il y ait quelques écrits contre le gouvernement qu’on veuille arrêter.  En outre les libraires de Paris se plaignent amèrement contre les productions de vos typographies qui leur font grand tort, ne pouvant, ou ne voulant, pas aller concurremment avec vous pour les prix.  Quelques avis me sont venus que l’on m’avait cité pour débiter libre, sans être libraire.  Je ne crains point de concurrence ici, n’y ayant pas de libraire et je ne vends rien au particulier de la ville.  J’ai parlé à ce sujet à notre subdélégué pour qu’il veuille me permettre de tenir libri, et il peut même me recevoir libraire.  Il me promit de faire ce qui me serait utile, tout se pouvant accorder sans le compromettre.  D’ailleurs, on m’a assuré que cette permission de tenir et recevoir libri peut s’obtenir facilement auprès de M. Bertin, ministre aux parties casuelles et que cela doit peu coûter.  J’emploierai quelques amis s’il le faut, jusqu’ici je n’ai rien vu.  Si on était autorisé à faire visite chez moi je n’y aurais que des usages et productions tolérés.  Mes expéditions en province n’ont point subi jusqu’ici de contradiction. 

J’ai beau m’informer de votre débiteur Le Planquais.  Il est introuvable, ainsi que 3 à 4 autres qui me doivent.  Aussi je renonce à traiter à terme avec gens sans domicile.  Un huissier de Coutances en Normandie est chargé de ma part de faire des perquisitions dans ce diocèse-là, car tous ces colporteurs en font.  J’ai remis la provision de mes billets chez Valliennne à votre ordre en ce mois et je vais m’occuper de celle pour celui qui échoit en novembre. 

Laissant donc les ouvrages suspects, pour me procurer les imperfections notées, adressez-moi avec le 5e volume de votre Description des arts :

10 à 12 Millot

52 pr 50 Anecdotes de l’illustre voyageur en 2 vols., ou point, s’il n’est pas complet

6 à 8 Dictionnaire de Bomare, dernière édition avec les augmentations de MM. de Haller etc., 8°

12 Dorat, 6 vols., 8° portrait à L.8

12 Questions sur l’Encyclopédie de L.8 à L.9 l’exemplaire

12 Voyageur français, 22 vols. de L.20 à 22 le vol.

10 à 12 Histoire de l’Amérique de Robertson

10 Gessner

Quelques Crébillon fils, Diderot, Montesquieu, si vous en avez.

Œuvres galantsd’Ovide etc.

Quel est le prix du Manuel des orateurs ?

J’ai l’honneur d’être bien sincèrement, Messieurs, votre humble serviteur,

Malherbe, l’aîné

Si la Bible folio nouvelle édition est finie et que vous la passiez à L.9 comme on me l’écrit de Saint-Maixent, pouvant passer, mettez-en10 à 12 exemplaires et 26 pour 25 Barbier de Séville

Si vous aviez quelque correspondant à Mayenfelz en Grisone sur Loire, je vous prierais de faire demander à M. de Salis, doyen de l’ordre militaire du mérite, si absolument les parents du sieur Endrely de Monsweick, officier suisse, qu’on a transféré de Saumur, ainsi que Blaizot, au dessus de Versailles en maison de force, ne veulent point s’occuper de payer ses dettes—ou si on peut l’espérer après la mort de sa mère fort âgée.  J’y suis pour 300 quelques livres et bien d’autres à Saumur, Poitiers etc.

Je pourrais vous offrir en change qu’on m’offre pour 200 exemplaires Le Rideau levé ou La Foutromanie en princesses confidences libertines de Laure et Eugénie,ouvrage original, 2 parties, L.3.  Portefeuille d’un dragon ou Recueil galant à l’usage des filles de la rue Saint Honoré, in-12, [mot illisible] édition.  L.1-8-0.  Journal de Linguet,contrefait, qui coûte L.48 en original sera fixé à L.24. 

Date: 
Wed, 10/15/1777