A Literary Tour de France
Malherbe to STN, 1er octobre 1784

 

                                                                                              Loudun, le 1er octobre 1784

 

Messieurs,

 

Le détail que je vous ai fait dans ma dernière, inutile à vos yeux, doit vous prouver au moins que si je manque malgré moi à mes promesses, ce n’est pas volontairement, ni par dissipations promues par ma faute ou par mauvaise conduite, mais par le malheur des circonstances attaché sur mes crédits dus encore tous à rentrer.  Je ne soupçonnais pas, je ne prévoyais pas les longueurs quand je négociais avec vous l’accord des 3 billets renouvelés de chacun L.1069-17-0.  J’espérais bien toucher pendant 4 ans ce qui m’est dû et concilier quelque marché, sinon profitable, au moins approchant de sa valeur de mes domaines toujours en nature à mon grand regret.  S’ils étaient convertis en espèces, je vous aurais satisfait et je pourrais traiter mes affaires avec aisance et au contraire, je ne puis payer, détenu de la sorte, n’y faire de négociations bien lucratives dans cette position vraie.  Que voulez-vous que je fasse ?  Vous pouvez faire valoir vos droits.  Vous ne ferez que grossir la somme que je vous dois par des frais inutiles.  Si on met obstacle au cours de mes affaires, que devenir ?  J’aimerais en vérité mieux abandonner tout : crédits, marchandises, domaines, et avoir la liberté de faire tranquillement la paix que mon travail seul pourra me procurer, aidé de quelque confiance, que ma conduite pourrait encore me ménager chez quelques amis au moins.  Alors sans engagements, le peu que je gagnerais ne serait pas consommé par la gêne où je vis.  Il faudrait mieux, Messieurs, se concilier de la sorte, que de me ruiner en frais, qui consomment mon avoir le plus liquide.  S’il se trouvait du [mot illisible], il faudrait bien que chacun y concoure.  Ces misérables retenues m’ôtent les moyens de payer, et m’empêchent de faire de grandes affaires.  Je suis borné à ma manutention de librairie, mon fonds en cette partie roulant encore sur un capital en marchandises de 7 à 8 mille livres, quelquefois jusqu’à 10 à 12.  Je ne puis m’occuper d’autres branches, faute de fonds et toutes ces entraves, ayant refroidi les crédits.  Je ne puis m’en ménager que de biens bornés, la partie de la commission d’achat de mes denrées.  Je ne puis même la suivre ni l’accroître parce qu’il faut avoir le moyen de faire la première avance et ne l’ayant pas, il faut qu’on me remette ou indique à disposer de suite de crédits pour rembours, ce qui arrive rarement avant marchandise achetée et expédiée et facture fournie à cet égard.  Il me faut forcément beaucoup restreindre.  Mes profits sont donc bien minces, bornés de toutes parts par l’occasion de ces malheureuses retenues que l’exercice de vos droits en justice vous conduise à faire saisir mes articles libri.  Qu’en ferez-vous ?  En exigeriez-vous la vente en justice, vous n’en tireriez pas le prix de maculatures et puis nombre sont invendables en justice.  Ils deviendraient la proie de l’inspection de la première chambre syndicale qu’on appellerait pour en faire tri etc.  Il faudrait mieux encore que je vous les cédasse volontairement.  Si vous me refusez le temps de les vendre, quelque ingrat que vous paraisse l’article, je [mot illisible] tout ceci à vos lumières.  Prononcez après sur mon sort.  Je ne veux point soustraire ce que j’ai à qui j’écris.  C’est à leur disposition jusqu'à parfaite liquidation.  Les productions des domaines que j’ai sont froment et Baillerge, quelque peu de vin.  La récolte des grains est tout à fait [mot illisible] cette année, peu de quitte.  Les droits du roi payés, c’est un mal général.  Vous offrir marchandises, tout ce qui est de production ici se paie comptant.  Pour répondre à votre demande, il faudrait que je puisse traiter à des termes et c’est bien difficile.  L’article des cafés peut s’obtenir à Nantes à 4 mois.  C’est bien court, et je ne puis vous le fournir au même prix de Nantes.  Le St.-Dominique vaut à Nantes 19, le Martinique 21.  Hors d’entrepôt—je ne sais trop si pour l’étranger on paie les mêmes droits que pour nos provinces.  Si j’en puis traiter de quelques balles, ou futailles, volontiers, je vous en donnerai à mon acquit cette graine [mot illisible] même en faveur.  Nos fruits secs sont assez abondants cette année, mais le beau en prunes rare.  La sécheresse a fait tort à tout.  Le prix n’est pas encore résolument fixé.  Ce sera 45 le beau, 12 le commun, 10 ­à 11 le petit, 104 au cent.  Voilà à peu près quel sera le cours.  La disette annoncée des [mots illisibles] olive fait [mot illisible] les nôtres de noix à 45, [mot illisible] à 42, les amandes cassés à L.50, L.54-10-0.  [mots illisibles] de pays L.60 de votre dernière partie de livres galants, philosophiques.  J’ai encore ici pour bien L.700 à L.800.  J’en avais colloqué voilà plus de 2 ans à une société de Toulouse, Bergès et cie, qui n’a pas tenu longtemps un lot de L.800 à L.900 des vôtres et quelques autres.  Je croyais cet envoi perdu.  Heureusement à la chute de la maison, il se trouva que ma balle était restée chez le commissionnaire à Blaye.  J’ai fait passer le tout à Bordeaux.  On m’en a pris quelque peu en change, le reste venu à Nantes.  Un ami qui me place quelque chose pour l’Amérique a placé une petite pacotille de ces articles et autres et à ma sollicitation, il me fait une petite remise de 500, à peu près au terme qu’il a vendu.  Le voici, son billet à mon ordre au [mots illisibles] prochain.  Daignez l’agréer à valoir des remplois à vous faire.  Je continuerai à vous passer des effets que je recouvrerai à fur et mesure de vente et peu à peu nous solderons.  J’espère au moins.  Et j’y voue tous mes soins et mon travail.  J’ai su samedi passé que mon billet L.1069-17-0 en retard était à Saumur ès mains de M. de Cicogne Maupassant, qui me fait prévenir.  Je lui dis que j’attendais de vos nouvelles.  Cette maison est une des plus honnêtes en affaires et très solide.  Si vous voulez la charger de recevoir ce que je pourrais faire, ce serait plus à ma portée que M. Laurence à Poitiers, allant souvent les samedis à Saumur pour mes affaires et rarement à Poitiers.  Ou je vous remettrais à vous-mêmes directement.  Vous me dites par votre apostille que je vous dois, outre le remploi du billet L.1069-17 étayé de frais L.1080-4 et d’ancien solde L.192-2.  Je ne trouve pas que ce soit tant.  Il me revenait sur l’effet sur Lyon. 

Je vous devais des envois........ 180                           [mot illisible]................... 118-5

Retour de la remise par Lyon   666-12                      Remis billet de Caboche 1700__

                                                                                                                           1818-5

                                                                                  Reste L.971-13 ……….    846-12

 

qui devaient couvrir le remploi du premier billet ……… 1069-17

                                                                      payé………   971-13

                                                            Restant seulement     98-4 … et non L.192-2.

 

Vous ne voulez pas de livres.  C’est par ce moyen pendant les deux derniers voyages de M. Fauche fils à Paris que j’ai pu mettre mes comptes chez eux à peu près au pair,  m’ayant placé pour bien 100 louis à ses amis à Paris.  Je me suis empressé à les lui fournir, et nous sommes quittes à peu près, à part cependant d’un effet sur le Port Louis à rentrer, mais qui sera payé à chaque instant.  Je suis même fort inquiet que M. Fauche fils ait dernièrement quitté Paris sans m’écrire, comme il le devait, et sans voir un M. Gillet Delacroix pour arranger une chose qu’ils doivent régler.  Je leur ai écrit depuis que je sais qu’il a omis cela et sans réponse, j’en attends bien impatiemment. 

 

Je dois à l’autre maison Fauche et cie. et il me fâche bien de les laisser languir sachant qu’ils ont besoin.  J’ai encore un solde à faire à Genève aux syndics de la maison [mot illisible] de Roddon qui a mal réussi.  C’est tout ce que je dois en Suisse. 

 

Tout ce que je pourrai réaliser, je vous le remettrai.  Daignez ne pas me retirer votre bienveillance et me croire en sincérité, Messieurs, votre très humble serviteur,

 

Malherbe, l’aîné

 

Je pourrais vous procurer en livres :

100 Âme élevée à Dieu de Baudran, 2 vol., L.0-30-0

100 id. Sur le Calvaire id.  L.0-25-0

100 Esprits et évangiles, gros caractère, L.0-25-0

100 Joseph poème in-12, L.0-18-0

10 à 12 Traité du commerce à l’Amérique, 4°, 2 vol., figs.,  L.18

des Commentaires sur l’ordonnance de la marine de Vassin, 2 vol., 4°, 16 [mot illisible]

Traité des bisesdu même 2 vol., 8°, L.0-4-0

 

Tout votre dernier ballot volumes Des Arts, à une livraison à part faite, me reste et bien des volumes précédents, ayant eu le malheur de fournir les premiers volumes à gens qui ne payeront peut-être jamais.  J’ai encore dans ces volumes [mot illisible] passés L.300 [mot illisible] qu’il sera difficile de placer, aussi seuls et isolés.  Il manque quelque chose à 1 in 3 volumes.  J’ai quelques autres articles anciens de vous ici avec défets.  Je n’ai encore [mot illisible] courrier nulles lettres de MM. Fauche père et fils.  M. Louis Fauche doit cependant être rendu de Paris.  Obligez-moi de leur faire recommander de me répondre à mes dernières et de me marquer si ma lettre de juin dernier dont on ne m’a pas accusé réception serait perdue.  Elle était intéressante.  Elle portait même un écrit pour ravoir 8 volumes de votre Description des arts à Meaux. 

 

                                                                                              Saumur, samedi soir

 

Je sors de chez M. Cicogne, lui dis que je vous remets L.500 sur Nantes, que je vous note le prix des articles dont vous vous informez, que je tâcherai d’en obtenir ou vous remettre quelque autre effet.  On me dit de [mot illisible] le tout à M. Laurence à Poitiers.  Je le ferai lundi. 

 

Par notre messager—je tâcherai d’avoir à Nantes quelques [mot illisible] ayant des livres à y placer.  Pour les pacotilles aux départs des navires, mon ami Lavocat, attaché à une des bonnes maisons de Nantes chez qui il est en pleine estime, sait toutes les occasions opportunes à me placer ce qu’il a à moi. 

Date: 
Fri, 10/01/1784