A Literary Tour de France
Malherbe to STN, 21 avril 1785

 

                                                                                              Loudun, le 21 avril 1785

 

Messieurs,

 

Peu après ma lettre 19 février, je me suis rendu à Nantes, comme je vous le marquai, et de là à Rennes.  C’est depuis peu de jours que je suis de retour, ce voyage m’ayant tenu plus de temps que je le pensais, ce qui m’a cumulé occupations au retour, étant seul à mes affaires.  J’allais vous écrire, Messieurs, quand du 17 de ce mois j’ai lettre de M. Laurence de Poitiers qui m’annonce avoir de vos nouvelles, qui témoignent impatience que je n’aie pas tenu encore mes promesses touchant ce petit envoi café que je m’occupe à me procurer.  Il n’y a pas de ma faute, si je ne vous en ai pas donné encore facture, ayant réglé à Rennes mes comptes avec l’ami qui me plaçait aux armements quelques libri.  Son absence de Nantes depuis décembre m’a fait trouver tout en nature.  Je me suis procuré un autre consignataire à Nantes, un monsieur Lévesque, jeune homme qui, j’espère aura à cœur mes intérêts.  J’ai donc laissé à ses soins tant en livres qu’autres articles pour vers 3 mille livres de valeurs.  Il doit satisfaire à quelques engagements et au-delà, il a de quoi faire pour mille livres au moins sur lesquelles je lui ai laissé note de me procurer pour L.600 à L.700 café Saint-Dominique pour vous être expédiés avec les acquits convenables le plus tôt possible, le café s’achetant à court terme.  Il faut que M. Lévesque puisse au moins être assuré de vendre ce que je lui ai consigné.  La lettre que j’en viens de recevoir depuis mon arrivée le 17 courant me dit qu’il me fournira pour les L.600 à L.700 café sous peu, étant en pourparler de me vendre quelques articles.  Je lui ai répondu hier de faire pour le mieux et le plus tôt possible cette petite emplette.  D’un autre côté je cherche à pouvoir traiter des autres articles que vous me mentionnez dans votre dernière pouvoir prendre.  Il faut à cette fin que je me ménage les connaissances qui pourront me les fournir.  Mon absence m’a privé de m’en occuper.  Pouvant traiter, je vous en ferai part.  Les scellés se sont levés pendant que j’étais à Nantes dans la maison chez qui j’ai quelques articles à réclamer.  Le siège rendra une sentence qui adjugera aux réclamants, ce qui sera reconnu à eux. 

 

Les crédits que je puis le mieux me ménager étant dans la partie de la librairie, j’aurais désiré que vous eussiez pu prendre quelque article d’édition française.  J’aurais pu avancer d’autant plus vite notre solde.  Je vous parlais dans ma dernière de petits formats in-18, soit vraie édition de Cazin brochés à L.0-40-0 le volume ou ceux contrefaits à L.0-18-0 brochés—ou autres. 

 

Je suis constamment sans nouvelles de la maison Fauche père et fils, malgré quelques éclaircissements importants que j’en attends sur un objet que M. Fauche fils devait terminer à Paris.  J’ai remis un nouveau tableau de tous nos comptes, voilà quelques mois.  On devait m’y répondre de suite.  On ne l’a pas fait encore.  Ces messieurs m’avaient promis de me reprendre contre de leurs autres sortes, mieux vendables ici 

60 à 70 Voyages de M. Saussure vol. 4° figs. à L.8 et

50 à 60 idem. 2 vols. 8° figs.........……………..L.5

100 Œuvres de Rutledge 2 vols., 8°……...……L.1-16-0

 

S’ils voulaient me fournir autres articles pour ces Saussure, je les tiendrais à leurs ordres et je leur marquerais de vous délivrer les objets qu’ils me donneraient en échange qui pourraient vous convenir, ce qui serait autant à mon acquit.  Daignez voir ces messieurs et s’ils sont disposés à m’échanger ces Voyages de Saussure.  Nous réglerons à cet égard ce que je leur demandais contre. 

 

J’ai bien encore pour L.600 à L.700 et plus des objets eus de vous et divers volumes séparés de La Description des arts qui ne se placent pas vite.  J’attends une centaine de Courage de M. Necker 3 volumes in-12, bonne édition et portrait qui me coûte L.5.

 

Je suis reculé dans la réception d’un envoi de L.4500 qui avait été marqué à Nice pour Agde.  Le commissionnaire d’Agde n’a pas voulu souscrire un acquit à caution qu’il allait prendre pour m’expédier cet envoi à Bordeaux.  Cette mauvaise humeur a décidé le capitaine de remporter cet envoi à Nice.  Voilà ce que j’apprends.  C’est une perte de L.120 en faux frais et retards pour recevoir cette expédition qui me la reculent des mois.  Il me faut écrire à Bordeaux pour me procurer quelqu’un à Agde qui veuille souscrire l’acquit en lui faisant promettre par le commissionnaire de Bordeaux qu’il sera renvoyé déchargé.  C’est encore là une contrainte. 

 

Ne pouvant toujours rien tirer de 35 à 36 mille livres constamment accrochées à Cadiz—Gignac, à l’Amérique etc. malgré tous mes soins et sollicitations, je reste à l’étroit et obligé de restreindre mes affaires pour remplir ces [mot illisible] et payer.  J’y réussirais si je pouvais colloquer ou vendre les domaines que j’ai.  Je n’ai pu y réussir jusqu’ici, l’argent étant bien rare, étonnant en cette contrée.  Je ne suis pas le seul qui tienne domaines affichés et je ne vois personne trouver mieux que moi à vendre dans cette circonstance assez affligeante pour moi.  Je suis forcé d’intercéder la complaisance de quelques amis qui, voyant ma bonne volonté, veulent bien recevoir peu à peu ce que je puis faire.  Je voudrais que la valeur de mes domaines, jusqu’au dernier morceau, pût être passée, cédée à qui je dois.  Je l’abandonnerais sans regret jusqu’au dernier morceau et tirerais après ce que je pourrais de mes crédits accrochés.  Mon travail en deviendrait plus agréable, plus lucratif, certainement.  Je ne serais jamais réfractaire à faire tout ce qui dépendra de moi.  Je vous l’ai déjà insinué.  Je vous l’acceptais encore.  Je reste presque borné à la manutention de mon dépôt de libri, me restant quelques amis qui me l’alimentent et autres qui me continuent leur confiance.  Cet hiver dernier, j’ai peu vendu.  La belle saison pourra me procurer écoulement pouvant me ménager quelques billets.  Je vous les remettrai ou pour votre compte à M. Laurence fils.  L’obligation notaire vous paraissant utile à votre sûreté, je la souscrirai.  Elle vous sera une hypothèque.  Pouvant soutenir mes affaires, je parviendrai peu à peu à les liquider et enfin, si on ne me paie pas, les domaines qui peuvent remplacer ce que l’on m’a soustrait, se vendront enfin et fructifiant un peu mieux par la suite de mes travaux, je remplirai mes engagements, reculés uniquement par force majeure et non par mauvaise conduite.  Je ne crains la langue de qui que ce soit sur ce fait-là.  Je ne suis livré à aucun genre de sorte.  Je vis frugalement chez ma mère qui seule m’a offert sa table depuis la mort de mon père.  Je n’ai aucun train de ménage à pourvoir.  Vivant garçon, mon entretien est simple.  Je ne dépense que pour ce qui est nécessaire à mes affaires—lettres et quelques voyages. 

 

La maison Fauche aîné et cie. m’a fait part que M. Fauche passait à New York par Nice pour y établir une imprimerie.  Comment M. Vritel gère-t-il les affaires seul [mot illisible] ?  Je le crains gêné.  J’en attends nouvelles sur une prétention qu’il m’a fait communiquer et qui doit être éteinte, sur quoi je lui ai écrit et attends réponse avec impatience.  J’ai aussi un solde à leur combler avec la maison du père.  C’est à [mot illisible] balancé et on a papiers à me remettre que je réclame et on m’y garde un silence déplacé.  Voilà mes devoirs chez vous et un solde à Genève. 

 

Plutôt que d’augmenter mes charges par des frais, étant disposé à vous donner les satisfactions dépendantes de moi et de mon avoir, daignez y avoir égard.  Dans cet espoir, je reste et suis toujours bien sincèrement, Messieurs, votre très humble serviteur,

 

Malherbe, l’aîné 

Date: 
Thu, 04/21/1785